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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/476

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et cent talents de myrrhe : c’était par ressouvenir d’un espoir qu’il avait conçu au temps de son enfance. Un jour, à ce qu’il paraît, comme Alexandre prenait de l’encens à pleines mains pour le jeter dans le feu du sacrifice, Léonidas lui avait dit : « Alexandre, quand tu auras conquis le pays qui porte les aromates, tu pourras prodiguer ainsi l’encens ; maintenant il faut user de ton bien avec réserve. — Je t’envoie, lui écrivit donc alors Alexandre, une abondante provision d’encens et de myrrhe, afin que tu cesses de traiter mesquinement les dieux. »

On lui avait apporté une cassette, que les gardiens des trésors et des meubles enlevés à Darius jugèrent la plus précieuse chose qu’il y eût au monde : il demanda à ses amis ce qu’ils croyaient le plus digne d’y être renfermé. Chacun ayant proposé ce qu’il estimait le plus haut : « Et moi, dit-il, j’y renfermerai l’Iliade. » C’est du moins ce qu’ont écrit plusieurs témoins dignes de confiance. Si le récit que font les Alexandrins sur la foi d’Héraclide est vrai, Alexandre ne se serait pas trouvé mal dans cette expédition des conseils d’Homère. Alexandre, disent-ils, après avoir conquis l’Égypte, forma le dessein d’y bâtir une ville grecque, grande et populeuse, et qui portât son nom. Déjà, sur l’avis des architectes, il en avait mesuré et tracé l’enceinte, lorsque la nuit, pendant qu’il dormait, il eut une vision merveilleuse. Il lui sembla voir un vieillard à cheveux blancs, et d’une figure vénérable, qui s’arrêta près de lui et prononça ces vers[1] :

Puis il est une île, dans la mer aux vagues tumultueuses,
Sur la côte d’Égypte : on la nomme Pharos.


Aussitôt il se lève, et va voir Pharos, qui était encore une île en ce temps-là, un peu au-dessus de la bouche

  1. Odyssée, iv, 354.