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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/500

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nos présents ou par nos discours, lui persuader de rester. »

On ne peut s’empêcher d’admirer Alexandre, en le voyant porter jusqu’à de si petits détails ses attentions pour ses amis. Par exemple, il ordonna de faire la recherche la plus exacte d’un esclave de Séleucus, qui s’était enfui en Cilicie ; il loua Peucestas d’avoir fait arrêter Nicon, un des esclaves de Cratère ; il écrivit à Mégabyze de faire son possible pour prendre un esclave qui s’était réfugié dans un temple, de l’engager, s’il le pouvait, à sortir de son asile, mais de ne pas mettre la main sur lui tant qu’il y serait. Dans les commencements de son règne, quand il jugeait des affaires criminelles, il bouchait, dit-on, avec sa main une de ses oreilles pendant que l’accusateur parlait, afin de la conserver libre de toute prévention pour entendre l’accusé. Mais son naturel s’aigrit dans la suite, par le grand nombre d’accusations qu’on portait devant lui : il en trouva tant de vraies, qu’elles lui firent croire celles même qui étaient fausses. Ce qui le mettait surtout hors de lui-même, et le rendait dur et inexorable, c’était d’apprendre qu’on avait mal parlé de lui ; car sa réputation lui était plus chère que la vie et l’empire mêmes.

Cependant il se mit à la poursuite de Darius, s’attendant à livrer de nouveaux combats ; mais, informé que Bessus s’était rendu maître de la personne du roi, il renvoya les Thessaliens dans leur pays, et leur donna, outre leur solde, une gratification de deux mille talents[1]. La poursuite fut longue et pénible : il fit à cheval, en onze jours, trois mille trois cents stades[2]. La fatigue, et surtout la disette d’eau, avaient mis sur les dents presque tous ses compagnons. Un jour, il rencontra des Macédo-

  1. Environ douze millions de francs.
  2. Environ cent soixante-cinq lieues.