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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/505

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dieux à témoin que, lorsque je pouvais soumettre la terre entière aux Macédoniens, ils m’ont abandonné, moi, mes amis et ceux qui avaient voulu partager ma fortune. » Ce sont là à peu près les propres termes dont il se sert dans sa lettre à Antipater ; il dit, en outre, qu’aussitôt qu’il eut fini de parler, ils s’écrièrent tous qu’il pouvait les mener en quelque lieu que ce fut du monde habité.

Dès que cet essai eut réussi sur les premiers, il ne fut pas difficile d’entraîner la multitude, qui suivit sans peine leur exemple. Alors Alexandre se rapprocha davantage des mœurs des Barbares, qu’il s’appliqua à modifier aussi par l’introduction d’usages macédoniens, dans la pensée que ce mélange et cette communication réciproque des mœurs des deux peuples, en cimentant leur bienveillance mutuelle, contribuerait plus que la force à affermir sa puissance, quand il se serait éloigné des Barbares. Il choisit donc parmi eux trente mille enfants, qu’il fit instruire dans les lettres grecques, et former aux exercices militaires des Macédoniens : il leur donna plusieurs maîtres chargés de diriger leur éducation. Pour son mariage avec Roxane, l’amour seul en forma le lien. Il l’avait vue dans un festin, chez Chortanus[1], et s’était épris de sa beauté et de ses charmes. Cependant cette alliance parut assez convenable à l’état présent des affaires : elle inspira aux Barbares beaucoup plus de confiance en lui ; et ils conçurent une vive affection pour Alexandre, en le voyant porter si loin la continence, que, la seule femme dont il fût devenu amoureux, il n’avait voulu l’approcher qu’en légitime mariage.

Héphestion et Cratère étaient les deux meilleurs amis qu’il eût : le premier l’approuvait en tout, et se conformait aux nouvelles manières qu’il avait adoptées ; l’autre restait toujours attaché aux usages de son pays. Alexan-

  1. C’était le satrape ou le roi des Bactriens ; et Roxane était sa fille.