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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/509

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Philotas n’eut pas été plutôt mis à mort, qu’Alexandre envoya des gens en Médie pour tuer Parménion. Ce capitaine avait eu une grande part aux exploits de Philippe ; seul, ou du moins plus qu’aucun des anciens amis du roi, il avait excité Alexandre à passer en Asie ; des trois fils qu’il avait, il en avait vu mourir deux avant lui dans les combats, et il périt avec le troisième. Ces cruelles exécutions rendirent Alexandre redoutable à la plupart de ses amis, et surtout à Antipater, qui dépêcha secrètement vers les Étoliens, pour faire alliance avec eux. Les Étoliens craignaient Alexandre, parce que le roi, en apprenant qu’ils avaient ruiné la ville des Œniades[1], avait dit que ce ne seraient pas les enfants des Œniades, mais lui-même qui punirait les Étoliens.

Peu de temps après arriva le meurtre de Clitus, action qui paraît, au simple récit, plus barbare que la mort de Philotas, mais qui, du moins, considérée dans sa cause et dans ses circonstances, ne fut pas commise de dessein prémédité : ce fut l’effet d’une fatale aventure ; et la colère et l’ivresse du roi fournirent l’occasion à la mauvaise destinée de Clitus. Voici comment le fait se passa. Des habitants des provinces maritimes avaient apporté au roi des fruits de la Grèce. Alexandre, émerveillé de leur fraîcheur et de leur beauté, fit appeler Clitus, pour les lui montrer et lui en donner sa part. Clitus faisait un sacrifice à ce moment : il s’empressa de le quitter, pour se rendre aux ordres du roi ; et trois des moutons sur lesquels on avait déjà fait les effusions sacrées le suivirent. Quand Alexandre sut cette particularité, il consulta les devins Aristandre et Cléomantis le Lacédémonien, qui déclarèrent que c’était un très-mauvais signe[2]. Le roi or-

  1. Dans l’Acarnanie, à l’embouchure de l’Achéloüs ; on la nomma depuis Erysichia et Dramagesta.
  2. Les trois moutons, après les cérémonies déjà accomplies, étaient regardés comme des victimes offertes aux dieux et réservées à la mort.