Aller au contenu

Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/521

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gent monnayé. Cette conduite déplut aux amis d’Alexandre ; mais elle lui gagna l’affection d’une foule de Barbares.

Les plus aguerris des Indiens mettaient leurs armes à la solde des villes voisines, qu’ils défendaient avec le plus grand courage. Ils tirent, dans plusieurs rencontres, beaucoup de mal à Alexandre, qui finit par leur accorder une capitulation honnête, à condition qu’ils sortiraient d’une ville où ils s’étaient renfermés. Comme ils se retiraient, il les surprit dans leur marche, et les fit tous passer au fil de l’épée. Cette perfidie est comme une tache sur la vie militaire d’Alexandre, qui avait fait la guerre jusqu’alors loyalement et en roi. Les philosophes du pays ne lui suscitèrent pas moins d’affaires que ces Indiens, soit en décriant les rois qui s’étaient unis à lui, soit en soulevant les peuples libres : aussi en fit-il pendre plusieurs.

Il a raconté lui-même, dans une de ses lettres ; ce qui se passa à la bataille contre Porus. Il y dit que l’Hydaspe séparait les deux camps ; que Porus tenait toujours ses éléphants rangés de front sur l’autre rive, pour défendre le passage ; que lui, de son côté, il faisait faire tous les jours beaucoup de bruit et de tumulte dans son camp, afin que ses soldats s’accoutumassent à ne point s’effrayer des cris des Barbares. Durant une nuit orageuse et sans lune, il prit une partie de ses gens de pied, avec l’élite de sa cavalerie, et alla, loin des ennemis, passer à une petite île : là, il fut accueilli d’une pluie violente, accompagnée d’un vent impétueux et de grands éclats de tonnerre. La mort de plusieurs de ses soldats, foudroyés devant ses yeux, ne l’empêcha pas de partir de l’île, et de gagner l’autre bord. L’Hydaspe, enflé par les pluies, coulait avec tant de rapidité, qu’il fit une grande brèche à la rive ; et les eaux s’engouffraient avec violence dans le passage qu’elles venaient de s’ouvrir. Alexandre prit pied entre les deux courants ; mais il ne se soutenait qu’à grand’peine sur ce terrain glissant et miné par les flots.