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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/555

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ciers et les débiteurs. Il ordonna que le créancier prélèverait chaque année les deux tiers des revenus du débiteur, et que-celui-ci jouirait seulement de l’autre tiers, jusqu’à l’entier acquittement de la dette. Il partit ensuite, laissant dans le pays qu’il avait gouverné une grande réputation, ayant amassé de grandes richesses, et procuré des gains considérables à ses soldats, qui le saluèrent, au départ, du titre d’imperator.

Ceux qui demandaient le triomphe étaient obligés de demeurer hors de la ville ; et, pour briguer le consulat, il fallait être présent dans Rome. César, pris ainsi entre deux lois opposées, car il était arrivé la veille des comices consulaires, envoya demander au Sénat la permission de solliciter le consulat par ses amis, en restant hors de la ville. Caton, armé de la loi, combattit vivement la prétention de César ; mais, voyant que César avait mis plusieurs sénateurs dans ses intérêts, il chercha à gagner du temps, et employa le jour entier à expliquer ses raisons. César alors prit le parti d’abandonner le triomphe, et de s’attacher au consulat. Il entra dans Rome, et exécuta une manœuvre dont tout le monde, excepté Caton, fut la dupe : il s’agissait de réconcilier Crassus et Pompée, les deux plus puissants personnages de Rome. César apaisa leurs dissensions, les remit bien ensemble ; et, par là, il réunit en lui seul la puissance de l’un et de l’autre. On ne s’aperçut pas que ce fut cette action, en apparence si honnête, qui causa le renversement de la république. En effet, ce n’est pas l’inimitié de César et de Pompée, comme on le croit communément, qui donna naissance aux guerres civiles, mais bien plutôt leur amitié, qui les réunit d’abord pour renverser le gouvernement aristocratique, et qui aboutit ensuite à cette irréconciliable rivalité. Caton, lequel prédit souvent ce résultat, n’y gagna alors que le renom d’homme difficile et importun, et, plus tard, de conseiller sage, mais malheureux.