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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/574

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celui qui l’occupait, et à Pompée, pour prévenir sa propre perte, qu’à se défaire de celui qu’il craignait. Mais il n’y avait pas longtemps que Pompée avait commencé à s’inquiéter pour sa puissance : il regardait jusque-là César comme peu redoutable, persuadé qu’il ne lui serait pas difficile de perdre celui dont l’agrandissement était son ouvrage. César, déterminé de tout temps à détruire tous ses rivaux, était allé, comme un athlète, se préparer loin de l’arène : il s’était exercé lui-même dans les guerres des Gaules, il avait aguerri ses troupes, augmenté sa gloire par ses exploits, et égalé les hauts faits de Pompée. Il n’attendait que des prétextes pour éclater ; prétextes que lui fournirent et Pompée lui-même, et les conjonctures, enfin les vices du gouvernement. On voyait, à Rome, ceux qui briguaient les charges dresser en public des tables de banque, et acheter sans honte les suffrages de la multitude ; et les citoyens, gagnés à prix d’argent, descendaient à l’assemblée, non pour donner simplement leurs voix à celui qui les avait achetées, mais pour soutenir sa brigue à coups de traits, d’épées et de frondes. Plus d’une fois ils ne sortirent de l’assemblée qu’après avoir souillé la tribune de sang et de meurtre ; et la ville restait en proie à l’anarchie, semblable à un vaisseau sans gouvernail, emporté à la dérive. Aussi les gens sensés eussent-ils regardé comme un grand bonheur que cet état violent de démence et d’agitation n’amenât pas de pire mal que la monarchie. Plusieurs mêmes osaient dire ouvertement que l’unique remède aux maux de la république, c’était la puissance d’un seul, et que, ce remède, il fallait l’endurer de la main du médecin le plus doux ; ce qui désignait clairement Pompée. Pompée affectait, dans ses discours, de refuser le pouvoir absolu ; mais toutes ses actions tendaient à se faire nommer dictateur. Caton pénétra son dessein, et conseilla au Sénat de le nommer