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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/591

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combattre avec la dixième légion. La cavalerie des ennemis était opposée à cette aile droite : César, à l’aspect de cette troupe brillante et nombreuse, sentit le besoin d’un renfort : il tira secrètement de sa dernière ligne six cohortes qu’il plaça derrière son aile droite, après leur avoir prescrit ce qu’elles devaient faire quand les cavaliers ennemis viendraient à la charge. Pompée était à son aile droite ; Domitius commandait la gauche ; Scipion, beau-père de Pompée, conduisait le centre. Toute la cavalerie s’était portée à l’aile gauche, dans le dessein d’envelopper la droite des ennemis, et de mettre en déroute le corps même dans lequel combattait le général : nul doute, pensaient-ils, que cette infanterie, si profonds qu’en fussent les rangs, ne cédât à leurs efforts ; que le premier choc d’une cavalerie si nombreuse ne culbutât les bataillons ennemis, et ne les rompît entièrement.

Des deux côtés on allait sonner la charge, lorsque Pompée ordonna à son infanterie de rester immobile et bien serrée, pour attendre le choc de l’ennemi, et de ne s’ébranler que lorsqu’il serait à la portée du trait. César dit que Pompée commit en cela une faute, pour avoir ignoré qu’au commencement de l’action l’impétuosité de la course rend le choc bien plus terrible, qu’elle donne plus de roideur aux coups, et que le courage s’enflamme, allumé par le mouvement de cette multitude. César, prêt à ébranler ses bataillons et à commencer la charge, voit un des plus proches capitaines, homme d’une grande expérience dans la guerre et d’une fidélité à toute épreuve, qui animait ses soldats à combattre en gens de cœur. César, lui adressant la parole : « Eh bien ! Caïus Crassinius, dit-il, que devons-nous espérer ? avons-nous bon courage ? » Crassinius lui tendant la main : « Nous vaincrons glorieusement, César, dit-il d’une voix forte ; pour moi, tu me loueras aujourd’hui mort ou vif. » En disant ces mots, il s’élance le premier au pas de course sur