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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/593

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blable à un homme dont un dieu aurait troublé la raison, ou peut-être accablé d’une défaite qu’il regardait comme l’ouvrage de quelque divinité, il se retira dans sa tente, sans dire un seul mot, et s’y assit pour attendre l’issue du combat. Son armée ayant été entièrement rompue et mise en fuite, les ennemis assaillirent les retranchements, et combattirent contre ceux qui les défendaient ; à ce moment, comme revenu à lui-même, il s’écria, dit-on : « Hé quoi ! jusque dans mon camp ! » Et, sans ajouter un mot de plus, il quitte sa cotte d’armes avec toutes les autres marques du commandement, et, prenant un habillement plus propre à la fuite, il se dérobe du camp. La suite de ses aventures et son assassinat par les Égyptiens, auxquels il s’était livré, seront rapportés en détail dans sa Vie.

César, entrant dans le camp de Pompée, vit ce grand nombre d’ennemis dont la terre était couverte, et ceux qu’on massacrait encore : ce spectacle lui arracha un soupir. « Hélas ! dit-il, ils l’ont voulu ; ils m’ont réduit à cette cruelle nécessité ; oui, moi Caïus César, malgré tant de guerres terminées par la victoire, si je me fusse dessaisi de mes armées, j’aurais été condamné. » Asinius Pollion dit que César prononça ces paroles en latin, et que lui, il les a mises en grec dans son histoire. Il ajoute que le plus grand nombre de ceux qui furent tués à la prise du camp étaient des valets de l’armée, et que dans la bataille il ne périt pas plus de six mille hommes. César incorpora dans ses légions la plupart des gens de pied qu’on avait faits prisonniers. Il fit grâce à plusieurs personnages distingués : de ce nombre fut Brutus, celui qui le tua depuis. César, ne le voyant pas paraître après la bataille, avait témoigné, dit-on, une vive inquiétude ; et, quand il le vit venir à lui sain et sauf, il montra la plus grande joie.

Une foule de présages annoncèrent la victoire : le plus