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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/595

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la campagne, et avaient été pris par le roi d’Égypte ; il se les attacha, et il écrivit, à ses amis de Rome, que le fruit le plus réel et le plus doux qu’il retirât de sa victoire, c’était de sauver tous les jours quelques-uns de ceux des citoyens qui avaient porté les armes contre lui.

Quant à la guerre d’Alexandrie, les uns disent que son amour pour Cléopâtre, et non point une nécessité réelle, le détermina à cette entreprise, aussi honteuse pour sa réputation que dangereuse pour sa personne ; les autres en accusent les amis du roi, et surtout l’eunuque Pothin, qui jouissait auprès de Ptolémée du plus grand crédit. Pothin venait de tuer Pompée, avait chassé Cléopâtre, et tendait secrètement des embûches à César. C’est à partir de cette découverte, dit-on, que César se mit à passer les nuits dans les festins, pour se tenir mieux sur ses gardes. D’ailleurs, en public même, Pothin n’était pas supportable : il ne cessait de travailler, par ses paroles et par ses actes, à rendre César odieux et méprisable. Il donnait, pour les soldats romains, le blé le plus vieux et le plus gâté, et disait que, vivant aux dépens d’autrui, ils devaient se contenter et prendre patience. Il ne faisait servir à la table du roi que de la vaisselle de bois et de terre, sous prétexte que César avait reçu, pour gage d’une dette, la vaisselle d’or et d’argent. Le père du roi régnant devait, en effet, à César dix-sept millions cinq cent mille sesterces[1] ; César avait fait remise aux enfants de ce prince de sept millions cinq cent mille sesterces, et demandait les dix millions restants pour l’entretien de ses troupes. Pothin l’assurait qu’il pouvait partir sans plus attendre, et aller terminer ses grandes affaires ; qu’il recevrait bientôt son argent, ainsi que les bonnes grâces du roi. César répondit qu’il n’avait nul besoin de prendre conseil des Égyptiens ; et il

  1. Environ trois millions cinq cent mille francs.