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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/614

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lui-même jusqu’à César, et lui avait fait remettre ce papier par un autre.

Mais ces circonstances peuvent avoir été l’effet du hasard. On ne saurait en dire autant du lieu où le Sénat fut assemblé ce jour-là, et où se passa cette scène sanglante. Il y avait dans la salle une statue de Pompée ; et la salle elle-même était un des édifices que Pompée avait dédiés, et qui servaient d’ornement à son théâtre : preuve évidente qu’un dieu conduisait l’entreprise, et avait marqué cet édifice pour le lieu de l’exécution. On dit même que Cassius, avant de mettre la main à l’œuvre, porta ses yeux sur la statue de Pompée, et l’invoqua en silence, quoiqu’il fût d’ailleurs dans les sentiments d’Épicure ; mais la vue du danger présent pénétra son âme d’un vif sentiment d’enthousiasme, et lui fit démentir ses anciennes opinions. Antoine, qui était tout dévoué à César, et dont on craignait la vigueur extraordinaire, fut retenu par Albinus[1], qui engagea à dessein avec lui une longue conversation.

Lorsque César entra, les sénateurs se levèrent pour lui faire honneur. Des complices de Brutus, les uns se langèrent derrière le siège de César, les autres allèrent au-devant de lui, pour joindre leurs prières à celles de Tullius Cimber, qui demandait le rappel de son frère exilé ; et ils l’accompagnèrent jusqu’à son siège, en lui taisant de vives instances. Il s’assit, en rejetant leurs prières ; et, comme ils le pressaient plus vivement encore, il leur témoigna à chacun en particulier son mécontentement. Alors Tullius lui prit la toge de ses deux mains, et lui découvrit le haut des épaules : ce qui était le signal de l’attaque. Casca le premier le frappe de son

  1. Dans la Vie de Brutus, Plutarque, d’accord avec tous les autres historiens, dit que ce fut Caïus Trébonius qui retint Antoine hors du Sénat.