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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/630

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dit-il, songez d’abord à vous tirer du pas où vous êtes. » Pendant la guerre, les Athéniens étaient timides et souples ; mais la paix les rendait insolents : ils se plaignaient hautement de Phocion, et lui reprochaient de leur avoir enlevé la victoire des mains. « Vous êtes bien heureux d’avoir un général qui vous connaisse, dit Phocion ; sans cela vous seriez perdus depuis longtemps. »

Les Athéniens avaient avec les Béotiens des différends pour leur territoire, et ils refusaient de les terminer en justice, voulant que ce fût par la voie des armes. Phocion leur conseilla de combattre contre eux avec des paroles, en quoi ils l’emportaient, et non avec des armes, parce qu’ils n’auraient pas l’avantage. Une autre fois, son avis déplut tant aux Athéniens, qu’ils ne voulurent pas même l’entendre. « Vous pouvez bien me forcer à faire ce que je ne veux pas, dit Phocion ; mais vous ne parviendrez point à me faire dire, contre mon opinion, ce qu’il ne faut pas. » Démosthène, un des orateurs qui lui étaient opposés dans le gouvernement, lui dit un jour : « Phocion, si jamais les Athéniens deviennent furieux, ils te feront mourir. — Mais s’ils rentrent dans leur bon sens, repartit Phocion, ce sera toi qu’ils tueront. » Un jour, Polyeucte le Sphettien haranguait les Athéniens, et leur conseiilait de déclarer la guerre à Philippe. Comme il faisait ce jour-là une chaleur excessive, et qu’il était très-gros, il se mettait hors d’haleine en parlant, et suait à grosses gouttes ; de sorte qu’il fut obligé de boire plusieurs fois pendant son discours. « Athéniens, dit Phocion, il est bien juste que sur la parole de cet homme vous entrepreniez la guerre ; car, que ne fera-t-il pas sous la cuirasse et le bouclier, quand les ennemis seront proches, lui qui court le risque d’étouffer pour dire en votre présence ce qu’il a préparé ? » L’orateur Lycurgue l’accablait d’injures dans l’assemblée du peuple, et lui reprochait surtout d’avoir conseillé aux Athéniens de livrer les dix