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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/635

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que Charès fut nommé général de cette expédition. Charès s’embarqua donc avec une flotte nombreuse ; mais il ne fit rien qui répondît à de telles forces : les villes mêmes lui fermèrent leurs portes ; et, devenu suspect à tout le monde, il croisa le long des côtes, mit des taxes sur les alliés, et se fit mépriser des ennemis. Le peuple, irrité par les orateurs, fit éclater son indignation, et se repentit d’avoir envoyé du secours aux Byzantins ; mais Phocion, prenant la parole : « Ce n’est point contre les alliés, dit-il, qu’il faut vous mettre en colère, parce qu’ils se défient des Athéniens, mais plutôt contre les généraux qui donnent lieu à cette défiance ; car ce sont eux qui vous rendent formidables à ceux-là mêmes qui ne peuvent se sauver sans votre secours. » Ces paroles firent tant d’impression sur le peuple, qu’il changea sur-le-champ de sentiment, et ordonna que Phocion irait dans l’Hellespont avec de nouvelles forces, pour secourir les alliés. Ce choix contribua plus que tout le reste au salut de Byzance ; car, outre la grande renommée dont jouissait déjà Phocion, Cléon, le premier des Byzantins par sa vertu, et qui avait formé avec lui une liaison intime dans l’Académie[1], se rendit caution pour lui envers la ville. Les Byzantins s’opposèrent à ce que Phocion campât hors des murs, comme il le voulait : ils lui ouvrirent leurs portes, le reçurent avec empressement, et donnèrent asile dans leurs maisons aux Athéniens. Ceux-ci, touchés de cette confiance, se montrèrent tempérants et irréprochables dans leur conduite, autant qu’intrépides dans les combats. Philippe, chassé de l’Hellespont, perdit beaucoup de sa réputation ; car jusque-là il avait passé pour invincible, et c’est à peine si l’on osait se mesurer avec lui. Phocion lui prit quelques vaisseaux, recouvra les

  1. C’était le nom du lieu où avait enseigné Platon, et où son école continua de subsister après lui.