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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/639

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qui m’est si cher, je conseillerais moi-même de le lui abandonner, et que je regarderais comme un bonheur de mourir pour vous sauver la vie. Athéniens, je suis vivement touché du sort de ces Thébains qui sont venus chercher un asile parmi vous. Mais c’est assez que les Grecs aient à pleurer la perte de Thèbes ; et mieux vaut, je crois, avoir recours aux prières, pour obtenir du vainqueur la grâce des Thébains et des Athéniens, que de prendre les armes contre lui. »

On dit qu’Alexandre rejeta le premier décret, et qu’il tourna le dos aux envoyés qui le lui apportèrent. Mais il reçut le second, qui lui fut présenté par Phocion, parce que les plus âgés de ses officiers lui rappelèrent combien Philippe, son père, estimait ce général. Il donna donc audience à Phocion, reçut favorablement ses prières, et écouta même le conseil qu’il lui donna de renoncer à la guerre, s’il aimait le repos ; ou, si au contraire il ambitionnait la gloire des conquêtes, de tourner ses armes contre les Barbares, et non contre les Grecs. Phocion fit entrer adroitement dans son discours beaucoup de choses conformes au caractère et aux inclinations d’Alexandre : de cette sorte, il l’adoucit tellement, qu’Alexandre lui dit que les Athéniens devaient avoir l’œil aux affaires de la Grèce, parce qu’après sa mort c’était à eux seuls qu’il appartenait de commander. Il s’unit avec Phocion par le double lien de l’amitié et de l’hospitalité, et le traita avec une distinction qu’il n’accordait qu’à un très-petit nombre de ses plus assidus courtisans. L’historien Duris rapporte qu’Alexandre, après que ses victoires sur Darius l’eurent élevé au plus haut degré de puissance, retrancha de toutes ses lettres le mot salut, excepté de celles qu’il écrivait à Phocion, qui était le seul, avec Antipater, pour qui il conservât cette formule. Ce récit est confirmé par Charès.