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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/65

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LUCULLUS.

nie auprès de Tigrane. Il revient sur ses pas, soumet les Chaldéens et les Tibaréniens, s’empare de la petite Arménie, dont il réduit les forteresses et les villes, envoie Appius vers Tigrane, pour redemander Mithridate, et retourne devant Amisus, que ses troupes tenaient encore assiégée. Callimachus, qui commandait dans la ville, était seul cause de la longue durée du siège : son habileté à inventer des machines de guerre, sa fécondité en stratagèmes et en ruses pour la défense des places, avaient causé mille maux aux Romains. Il en fut bien puni dans la suite. Quoi qu’il en soit, Lucullus usa alors d’un stratagème dont Callimachus fut la dupe. À l’heure qu’il avait accoutumé de retirer ses troupes pour leur donner du repos, il les mena brusquement à l’assaut, et se rendit maître d’une partie de la muraille. Callimachus abandonna la ville et y mit le feu, soit qu’il enviât aux Romains un moyen de faire du butin, soit qu’il voulût assurer sa fuite ; car personne ne s’inquiétait de ceux qui s’enfuyaient par mer. Dès que les flammes eurent enveloppé les murailles, les Romains se préparèrent au pillage.

Lucullus, vivement touché de voir périr la ville, tenta de la secourir par dehors, et exhortait les soldats à éteindre le feu ; mais personne n’obéissait : tous demandaient le pillage en poussant des cris, et en frappant sur leurs armes. Lucullus céda à la violence, et permit de piller, espérant du moins garantir la ville de l’incendie. Mais ses soldats firent le contraire de ce qu’il espérait : en fouillant tout avec des torches allumées, et en portant de tous côtés la lumière, ils brûlèrent eux-mêmes la plupart des maisons. Lucullus y entra le lendemain, et se mit à pleurer : « Plus d’une fois, dit-il à ses amis, j’avais estimé Sylla un homme heureux ; mais c’est surtout aujourd’hui que j’admire son bonheur. Il a voulu sauver Athènes, et il l’a pu : tandis que moi, quand je veux