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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/684

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plus de soin que n’en met l’abeille à composer son miel. Il ne négligeait même pas de se faire envoyer, par les hôtes et les amis qu’il avait de toutes parts, tous les documents de quelque importance, actes, ordonnances, jugements, qui concernaient les gouvernements des provinces.

Un jour il s’éleva avec force contre Clodius le démagogue, qui jetait des semences de nouveautés dangereuses, et calomniait auprès du peuple les prêtres et les vestales, entre autres Fabia, sœur de Térentia, femme de Cicéron, laquelle courut un extrême danger. Caton couvrit Clodius de confusion, et l’obligea de sortir de la ville. Cicéron lui en faisait ses remercîments. « C’est Rome, dit Caton, que tu dois remercier ; car ce sont ses intérêts seuls que j’ai en vue, dans toutes les circonstances, dans tous mes actes politiques. »

Telle était la considération qu’il s’était acquise par sa conduite, que, dans un procès où l’on ne produisait qu’un témoin, un orateur dit aux juges : « Il ne serait pas juste d’avoir égard à la déposition d’un seul témoin, fut-ce Caton lui-même. » Il était comme passé en proverbe de dire d’une chose extraordinaire et incroyable : « On ne pourrait le croire, quand Caton même le dirait. » Un homme débauché et prodigue avait fait, dans le Sénat, un long discours sur la simplicité et la tempérance. Annéus se leva : « Mon ami, lui dit-il, comment pourrait-on avoir la patience de t’écouter, toi qui, soupant comme Crassus, et bâtissant comme Lucullus, viens nous parler comme Caton[1] ? » Enfin, ceux qui, vicieux et déréglés dans leur conduite, étaient graves et austères dans leurs discours, on les appelait par ironie des Catons.

On le pressait de tous les côtés pour qu’il briguât le tribunat ; mais il ne croyait pas qu’il en fût temps encore :

  1. Dans la Vie de Lucullus, ce propos est attribué à Caton lui-même.