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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/689

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ne délivre Rome, pur leur mort, des massacres, des périls affreux dont elle est menacée. »

De tous les discours que Caton a prononcés, c’est le seul, dit-on, qui ait été conservé : le consul Cicéron avait pris les copistes les plus habiles et les plus expéditifs, à qui il avait enseigné à se servir de notes qui, dans de petits caractères, renfermaient la valeur de plusieurs lettres, et il les avait répandus en divers endroits de la salle du Sénat. On ne s’était point encore servi de ces écrivains par notes ; et c’est alors que se fit le premier essai d’écriture abrégée.

L’avis de Caton prévalut, et ramena les autres sénateurs, de sorte que les conjurés furent condamnés à mort.

Comme les moindres traits servent à peindre les mœurs, et que c’est comme un portrait de l’âme que nous essayons d’esquisser, citons ici un fait propre à mon dessein. Pendant que César et Caton étaient dans toute la chaleur de la lutte et du débat, et fixaient l’attention de tous les sénateurs, on apporta un billet à César. Caton, à qui ce message parut suspect, se hâta de lui en faire un crime ; quelques sénateurs, qui partageaient ses soupçons, ordonnèrent qu’on fit tout haut la lecture de ce billet. César le remit à Caton, qui était auprès de lui ; et Caton lut une lettre amoureuse que Servilia, sa sœur, écrivait à César, lequel l’avait séduite et lui avait inspiré une passion violente ; il la rejette à César, en lui disant : « Tiens, ivrogne ; » et il reprend le fil de son discours.

Caton, en somme, ne paraît pas avoir été fort heureux du côté des femmes qui lui appartenaient. Cette Servilia fut fort décriée par son commerce avec César ; la conduite de l’autre sœur de Caton, qui se nommait aussi Servilia, fut plus décriée encore : mariée à Lucullus, un des Romains les plus célèbres, et mère d’un fils, ses débauches la firent répudier ; mais, ce qu’il y eut de plus