Aller au contenu

Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/715

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

néral et de chef absolu, distribue à d’autres les armées et les provinces : lui, il reste dans la ville, pour y diriger les séditions dans les comices, comme on présiderait à des jeux publics, et pour machiner des troubles ; et il est évident que Pompée veut se préparer, par l’anarchie, les voies à la monarchie. » C’est ainsi que Caton repoussait les attaques de Pompée.

Caton avait pour ami et pour zélateur Marcus Favonius, qui était à son endroit ce que fut, dit-on, pour l’ancien Socrate, Apollodore de Phalère[1]. Favonius fut tellement frappé du discours de Caton, qu’il sortit de l’assemblée tout hors de lui-même, comme saisi d’une sorte d’ivresse et de fureur. Favonius se mit sur les rangs pour l’édilité, et fut refusé. Caton, qui le favorisait, s’aperçut que les tablettes des suffrages étaient toutes écrites de la même main : il fit reconnaître la fraude, en appela aux tribuns ; et l’élection fut annulée. Depuis, Favonius ayant été nommé édile, Caton l’aida en plus d’une occasion à remplir les fonctions de sa charge : ce fut lui notamment qui régla au théâtre la dépense des jeux donnés par Favonius. Il décerna aux musiciens, non des couronnes d’or, mais des couronnes d’olivier sauvage, comme on fait à Olympie ; au lieu des présents magnifiques qu’il était d’usage de faire, il distribua aux Grecs des poireaux, des laitues, des raves et des poires ; aux Romains, des pots de vin, de la chair de porc, des figues, des concombres et des fagots de bois. Certaines gens se moquaient de la simplicité de ces dons ; mais d’autres étaient charmés de voir Caton se relâcher de son austère rigidité, pour se prêter à ces amusements. Enfin Favonius lui-même se jeta au milieu de la foule, et, s’asseyant

  1. Voyez la fin du Phédon, et le commencement du Banquet. On avait surnommé cet Apollodore μαντικός, ou le possédé, à cause de cette vivacité d’affection.