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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/717

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ser régner une sédition qui aboutirait à la tyrannie. Bibulus donc, allié de Caton, ouvrit dans le Sénat l’avis de nommer Pompée seul consul. « Par là, dit-il, ou les affaires se rétabliront, par l’ordre qu’y mettra Pompée, ou la ville sera assujettie à l’homme le plus digne de commander. » Caton se leva ; et, contre l’attente de tout le monde, il adopta cet avis. « Il n’est pas de domination, dit-il, qui ne vaille mieux que l’anarchie ; et j’espère que Pompée usera sagement de son autorité, dans les conjonctures difficiles où nous nous trouvons, et conservera une ville qu’on remet entre ses mains. »

C’est ainsi que Pompée fut nommé seul consul : il invita Caton à venir le voir dans ses jardins du faubourg. Caton s’y rendit ; et Pompée le reçut avec toutes sortes de démonstrations d’amitié, le remercia de l’honneur qu’il lui avait procuré, et le pria de l’aider de ses conseils, et de faire comme s’il partageait avec lui l’autorité. « Ma conduite précédente, répondit Caton, n’a point été dictée par un sentiment de haine ; et aujourd’hui je n’agis point par un motif de faveur : je n’ai consulté que l’intérêt de l’État. Toutes les fois que tu me demanderas conseil sur tes affaires privées, je te le donnerai volontiers ; mais, pour les affaires publiques, je dirai toujours, quand même tu ne me le demanderais pas, ce que je croirai le meilleur. » Et il le fit comme il l’avait promis. Pompée ayant proposé une loi qui portait de nouvelles amendes et des peines considérables contre ceux qui auraient acheté les suffrages, Caton lui conseilla d’oublier le passé, et de ne s’occuper que de l’avenir. « Il n’est pas facile, ajouta-t-il, de fixer le terme où s’arrêteraient ces recherches sur les prévarications passées ; quant à établir de nouvelles amendes contre d’anciennes fautes, ce serait une grande iniquité de punir quelqu’un en vertu d’une loi qu’il n’a ni violée ni foulée aux pieds. »

Une autre fois, plusieurs des principaux de Rome