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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/719

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disputant le consulat à Caton ; pourtant Caton ne s’en plaignit pas. « Faut-il s’étonner, disait-il, qu’on ne cède pas à un autre ce qu’on regarde comme le plus grand des biens ? » Mais il fit décréter par le Sénat que les candidats solliciteraient eux-mêmes le peuple, et que personne n’irait briguer pour eux les suffrages. Ce décret aigrit encore davantage les esprits contre Caton : le peuple se plaignit qu’on lui ôtât, non-seulement son salaire, mais encore les moyens d’obliger, et qu’on le rendit pauvre et méprisé tout ensemble. Ajoutez que Caton ne s’entendait guère à gagner des suffrages en sollicitant pour lui-même, et qu’il aimait mieux conserver la dignité de son caractère et de ses mœurs que d’acquérir celle du consulat. Il voulut faire lui-même ces sollicitations, sans permettre à ses amis aucune de ces démarches qui flattent et séduisent la multitude ; et il échoua dans sa candidature. Ces sortes de disgrâces, outre qu’elles avaient quelque chose de honteux, jetaient pour plusieurs jours ceux qui les avaient éprouvées, eux, leurs amis et leurs parents, dans la tristesse et dans le deuil. Mais Caton fut si peu sensible à ce qui lui était arrivé, qu’il se fit frotter d’huile, et alla jouer à la paume dans le Champ de Mars, et qu’après son dîner, il descendit, suivant son usage, sur le Forum, sans souliers ni tunique, pour se promener avec ses familiers. Cicéron le blâme de ce que, dans un temps où les affaires avaient besoin d’un consul comme lui, il n’avait mis aucun soin ni aucune étude à gagner le peuple par des manières insinuantes, et de ce que ce refus l’avait fait renoncer pour toujours au consulat, tandis qu’il avait brigué une seconde fois la préture qu’on lui avait d’abord refusée. « J’ai manqué la préture, lui répondit Caton, non point par la volonté du peuple, mais par un effet de la violence et de la corruption ; mais il ne s’est rien passé, dans les comices consulaires, qui soit contraire aux lois ; je ne