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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/743

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Caton leur bienfaiteur, leur sauveur, le seul homme libre, le seul invincible ; et cela alors qu’ils venaient d’apprendre que César arrivait. Mais, ni la crainte du péril, ni l’envie de flatter le vainqueur, ni les dissensions et les querelles qui les divisaient, ne purent affaiblir le respect qu’ils avaient pour Caton. Ils couvrirent magnifiquement son corps, lui firent des obsèques honorables, et l’enterrèrent sur le rivage de la mer, où se dresse encore aujourd’hui sa statue, ayant dans sa main une épée. Ce devoir rempli, ils s’occupèrent de leur salut et de celui de la ville.

César, informé par ceux qui venaient se rendre à lui, que Caton restait dans Utique, qu’il ne songeait pas à s’enfuir, et, qu’après avoir renvoyé les autres, il s’y tenait intrépidement avec son fils et ses amis, jugea que Caton méditait quelque dessein qu’on n’avait pas su pénétrer ; et, comme il avait pour lui une haute estime, il marchait en toute hâte avec son armée. Mais, ayant appris sa mort en chemin, il s’écria : « Ô Caton ! je t’envie ta mort, car tu m’as envié de te sauver la vie. » Il est vrai que, si Caton eût pu consentir à devoir la vie à César, il aurait moins terni sa propre gloire qu’il n’eût relevé celle de César. Au reste, on ne peut assurer ce que César aurait fait ; mais on conjecture qu’il aurait pris le parti le plus humain.

Caton mourut âgé de quarante-huit ans. Son fils ne reçut de César aucun mauvais traitement ; mais on dit qu’il fut un homme sans énergie, et qu’il se décria par sa passion pour les femmes. Il était logé, en Cappadoce, chez un prince du sang royal, nommé Marphadatès, qui avait une très-belle femme : il fit auprès d’eux un séjour plus long qu’il ne convenait, et s’attira beaucoup de railleries. Un jour on écrivait : « Caton part demain, après trente jours. » Une autre fois : « Porcius et Marphadatès, deux amis, une seule âme. » C’est que la femme de Mar-