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Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/95

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LUCULLUS.

tines et par leurs guerres avec les peuples voisins, ils ne pouvaient repousser les insultes des Arméniens. Il me semble donc, d’après cela, que les services rendus par Lucullus en personne à sa patrie n’ont point égalé le dommage qu’il lui a fait porter par d’autres. Les trophées qu’il planta en Arménie si près des Parthes, la prise de Tigranocertes et de Nisibe, les richesses qu’il fit transporter à Rome, le diadème de Tigrane rapporté captif en triomphe, allumèrent dans l’âme de Crassus le désir de passer en Asie : il crut que les Barbares n’étaient qu’une proie assurée et des dépouilles toutes prêtes ; mais bientôt, accueilli par les flèches des Parthes, il prouva que Lucullus avait dû ses victoires non à l’imprudence et à la mollesse des ennemis, mais à son audace et à sa capacité. Mais nous en parlerons plus tard[1].

Le premier désagrément de Lucullus, en arrivant à Rome, fut de trouver son frère Marcus accusé par Caïus Memmius pour avoir exécuté, dans sa questure, les ordres de Sylla. Marcus fut absous ; mais aussitôt Memmius se tourna contre Lucullus lui-même, et tâcha, en soulevant les passions populaires, de lui faire refuser le triomphe, sous prétexte qu’il avait détourné à son profit des trésors considérables, et qu’il avait à dessein traîné la guerre en longueur. Lucullus était en danger ; mais les premiers et les plus puissants citoyens s’étant mêlés parmi les tribus, obtinrent du peuple, à force de prières et de brigues, qu’on lui permettrait de triompher.

Ce triomphe ne fut pas, comme quelques autres, étonnant et ennuyeux par la longueur de la marche et par la quantité des objets qu’on y portait. Lucullus orna le cirque de Flaminius d’un nombre prodigieux d’armes prises sur les ennemis, et des machines de guerre des deux rois ; et ce spectacle à lui seul valait la peine d’être

  1. Dans la Vie de Crassus.