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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

forme Cyrnus à l’honneur, à la vertu, à la piété.

On peut d’après ses vers se former un type idéal du noble Mégarien à cette époque, se distinguant du vulgaire par la dignité de la tenue comme par la constance du caractère, fort d’une force intérieure qui lui fait accepter sans trouble les dons quels qu’ils soient de la divinité, résister à la bonne comme à la mauvaise fortune, sans joie excessive et sans bassesse, qui le défend contre l’amour de l’argent et contre les lâches suggestions de la pauvreté, qui enfin lui enseigne la mesure, ce dernier mot de la sagesse antique. Ni dans ses actes, ni dans ses paroles, il n’oublie jamais la convenance ; il sait se taire, science ignorée de la foule : « Chez les sages, la nature a placé au fond du cœur et les yeux et la langue, et les oreilles et l’esprit. » Il ne se presse pas ; mais, supérieur à une vaine agitation, il attend le moment favorable pour chaque chose, et reste toujours digne à l’égard du sort comme des hommes et des dieux. Ajoutons que par moment le poète embrasse d’une vue haute et générale le gouvernement moral du monde, et ose dicter à la Providence la loi équitable qui, contrairement à la foi traditionnelle, celle de Solon lui-même, abolit dans les familles l’hérédité de la faute et de la responsabilité. Tel est le progrès de la pensée religieuse qu’il consacre par des vers éloquents. Il devance même ses contemporains ; car Pindare, plus jeune que lui, n’atteindra pas dans ses idées religieuses jusqu’à cette conception de la justice divine.