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Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/251

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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

on avait toujours besoin des juges, à qui l’on portait en dernier appel la décision de tous les différends, ce qui les mettait en quelque sorte au-dessus même des lois. Solon, dans ses poésies, parle de cette compensation qu’il avait établie entre les riches et les pauvres : « J’ai donné au peuple un pouvoir suffisant ; je n’ai diminué, ni accru ses honneurs. Quant à ceux qui étaient puissants et riches, je les ai mis dans l’impossibilité de commettre des injustices. J’ai muni chacun des deux partis d’un fort bouclier ; il n’est plus permis à l’un d’opprimer l’autre. »

Pour donner un nouveau soutien à la faiblesse du peuple, il permit à tout Athénien de prendre la défense d’un citoyen insulté. Si quelqu’un avait été blessé, battu, outragé, le plus simple particulier avait le droit d’appeler et de poursuivre l’agresseur en justice. Le législateur avait sagement voulu accoutumer les citoyens à se regarder comme membres d’un même corps, à partager les maux les uns des autres. On cite de lui un mot qui a rapport à cette loi. On lui demandait un jour quelle était la ville la mieux policée : « C’est, répondit-il, celle où tous les citoyens sentent l’injure qui a été faite à l’un d’eux, et en poursuivent la réparation aussi vivement que celui qui l’a reçue. »

Dès que ses lois eurent été publiées, il se vit assailli par une foule de gens qui venaient les uns pour les louer ou les blâmer, les autres pour le prier d’y ajouter ou d’en retrancher à leur gré. La plupart lui en demandaient des explications, et voulaient qu’il leur en déve-