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Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/33

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POÈTES MORALISTES DE LA GRÈCE

l’univers, qui, détrônés par eux, leur avaient abandonné la place. Tout était ainsi, en définitive, ramené à quelques principes primitifs, élémentaires, déifiés eux-mêmes, c’est-à-dire aux forces de la nature, seule éternelle, seule vraiment vivante et divine.

Voilà la conception, sans doute préexistante et contemporaine des premières créations théogoniques, dont Hésiode s’empara pour la féconder. Il sentit que la loi du monde était le changement, la succession ou plutôt (car il était Grec et animé du génie de l’Occident), le développement et le progrès. Il sentit que ce développement, ce progrès, c’était l’histoire même du monde depuis son origine, et par conséquent celle des pouvoirs identiques à lui qui le gouvernent. Bien plus, il devina, par une révélation secrète de l’esprit, qui vit dans l’homme comme dans la nature, et dont les lois au fond sont ses lois, il devina que la série naturelle des évolutions cosmiques représentée par la série traditionnelle des révolutions divines, s’était opérée comme une transition progressive de l’indéterminé au déterminé, de l’absolu au relatif ; en un mot, de l’infini au fini. C’est cette grande idée philosophique, obscurément comprise, qui lui donna l’unité intime et génératrice de son poème, tandis que la croyance religieuse aux dynasties successives des dieux lui en traçait la marche extérieure.

La succession des générations divines, représentant symboliquement les grandes phases de la création du monde dans l’espaces et dans le temps, telle est la donnée fondamentale de la