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Page:Poètes Moralistes de la Grèce - Garnier Frères éditeurs - Paris - 1892.djvu/38

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NOTICE SUR HÉSIODE

régulier des saisons. Or, ces redoutables fils, Ouranos les haïssait, parce qu’ils lui présageaient la fin de son empire. Aussi, à mesure qu’ils voyaient le jour, les replongeait-il dans les flancs de la Terre, et il se réjouissait, et celle-ci, au contraire, gémissait sur sa cruauté. Courroucée enfin, elle appelle ses autres enfants à la révolte ; elle arme Cronos, et de concert avec lui tend un piège à son époux. Quand le grand Ouranos, amenant la Nuit sur ses pas, venait pour avoir commerce avec la Terre, son fils le mutila d’un coup de sa tranchante harpé. Des gouttes de son sang recueillies par la Terre, naquirent les Érinnyes ou Furies, symboles de vengeance, les Géants et les Nymphes Mélies. Autour de ses parties génitales, tombées dans la mer, s’amassa lentement une écume où prit naissance Aphrodite, la fille du Ciel et des eaux, la déesse de la beauté, à qui s’attachent aussitôt l’Amour et le Désir.

C’est-à-dire, pour indiquer rapidement le sens de ce mythe sublime, que la création se développe par la haine aussi bien que par l’amour, par la lutte et le combat ainsi que par l’union. Ouranos, jaloux du progrès nécessaire des choses, se flatte vainement de l’arrêter ; il est mutilé par Cronos, et le règne du temps va succéder à celui de l’espace. Le principe générateur se déplace et se transforme, il tombe décidément dans la durée, dont les eaux sont l’emblème, et c’est au sein des eaux que naît la beauté, image d’une création nouvelle et la plus parfaite. Voilà la première époque de l’histoire du monde, la transition