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Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/202

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« Quant à ce défaut-là, dit madame Lalande en riant, vous avez grand tort de le confesser ; sans votre aveu, je me figure que personne n’aurait songé à vous accuser de ne pas avoir les meilleurs yeux du monde. À propos, continua-t-elle, vous souvenez-vous, — à ces mots, il me sembla voir, malgré l’obscurité partielle du salon, qu’Eugénie rougissait, — vous souvenez-vous, mon ami, de ce petit instrument d’optique suspendu à mon côté ? »

Tandis qu’elle parlait, elle fit tournoyer entre ses doigts le binocle qui m’avait jeté dans un si grand trouble à l’Opéra.

« Si je m’en souviens ! m’écriai-je, pressant avec passion la main délicate qui soumettait la lorgnette à mon examen. C’était un magnifique bijou à filigrane, assez compliqué, richement ciselé et brillant de pierreries, dont le demi-jour ne m’empêcha pas de reconnaître la grande valeur.

— Eh bien, mon ami, reprit-elle avec un certain air d’empressement qui me surprit un peu, vous m’avez suppliée de vous accorder une faveur que vous voulez bien déclarer inappréciable. Vous m’avez demandé de devenir votre femme demain même. Si je cédais à vos prières, — et aussi, je dois le dire, à la voix de mon propre cœur, — n’aurais-je pas à mon tour le droit de solliciter une bien, bien légère faveur ?