Page:Poe - Contes inédits traduction William L. Hughes, Hetzel.djvu/61

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En effet, tandis que le capitaine parlait, Wyatt avait pris son élan et s’était précipité hors du canot. Nous étions encore sous l’écoute du navire, et l’artiste, par un effort presque surhumain, parvint à saisir l’extrémité d’un cable qui pendait des chaînes de l’avant. L’instant d’après, il était sur le pont et s’élançait avec des gestes de possédé dans la cabine.

Cependant, nous avions été emportés malgré nous, et comme nous n’étions plus sous le vent du navire, nous nous trouvions à la merci d’une mer encore orageuse. Nous fîmes néanmoins une tentative désespérée pour rebrousser chemin ; mais notre petit canot pesait moins qu’une plume devant le souffle de la tempête. Nous reconnûmes tout de suite qu’il n’était pas en notre pouvoir de sauver l’infortuné artiste.

Tandis que nous nous éloignions rapidement du navire, nous vîmes le pauvre fou (comment lui donner un autre nom ?) remonter par la grande écoutille, traînant avec lui la caisse oblongue, dont le poids semblait exiger une force gigantesque. Comme nous le contemplions avec une surprise mêlée de pitié, il passa à plusieurs reprises autour de la caisse une corde de trois pouces, qu’il s’attacha ensuite autour de la taille. Un instant après, l’artiste et la boîte tombaient à la mer et disparaissaient tout à coup et à jamais !