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Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/22

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présidait le comité, et lui donna l’envie d’examiner lui-même les manuscrits. Il se trouva que Poe avait gagné les deux prix ; mais un seul lui fut donné. Le président de la commission fut curieux de voir l’inconnu. L’éditeur du journal lui amena un jeune homme d’une beauté frappante, en guenilles, boutonné jusqu’au menton, et qui avait l’air d’un gentilhomme aussi fier qu’affamé. Kennedy se conduisit bien. Il fit faire à Poe la connaissance d’un M. Thomas White, qui fondait à Richmond le Southern Literary Messenger. M. White était un homme d’audace, mais sans aucun talent littéraire ; il lui fallait un aide. Poe se trouva donc tout jeune, — à vingt-deux ans, — directeur d’une revue dont la destinée reposait tout entière sur lui. Cette prospérité, il la créa. Le Southern Literary Messenger a reconnu depuis lors que c’était à cet excentrique maudit, à cet ivrogne incorrigible qu’il devait sa clientèle et sa fructueuse notoriété. C’est dans ce magasin que parut pour la première fois l’Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall, et plusieurs autres contes que nos lecteurs verront défiler sous leurs yeux. Pendant près de deux ans, Edgar Poe, avec une ardeur merveilleuse, étonna son public par une série de compositions d’un genre nouveau et par des articles critiques dont la vivacité, la netteté, la sévérité raisonnées étaient bien faites pour attirer les yeux. Ces articles portaient sur des livres de tout genre, et la forte éducation que le jeune homme s’était faite ne le servit pas médiocrement. Il est bon qu’on sache que cette besogne considérable se faisait pour cinq cents dollars, c’est-à-dire deux mille sept cents francs par an. — Immédiatement, — dit Griswold, ce qui veut dire : « Il se croyait donc assez riche, l’imbécile ! » — il épousa une jeune fille, belle, charmante, d’une nature aimable et héroïque, mais ne possédant pas un sou, — ajoute le même Griswold avec une