Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/300

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Néanmoins, comme le capitaine disait qu’il n’apercevait aucun symptôme de danger, et comme nous dérivions vers la terre par le travers, il commanda de carguer les voiles et de filer l’ancre. On ne mit point de vigie de quart, et l’équipage, qui se composait principalement de Malais, se coucha délibérément sur le pont. Je descendis dans la chambre, — non sans le parfait pressentiment d’un malheur. En réalité, tous ces symptômes me donnaient à craindre un simoun. Je parlai de mes craintes au capitaine ; mais il ne fit pas attention à ce que je lui disais, et me quitta sans daigner me faire une réponse. Mon malaise, toutefois, m’empêcha de dormir, et, vers minuit, je montai sur le pont. Comme je mettais le pied sur la dernière marche du capot d’échelle, je fus effrayé par un profond bourdonnement semblable à celui que produit l’évolution rapide d’une roue de moulin, et, avant que j’eusse pu en vérifier la cause, je sentis que le navire tremblait dans son centre. Presque aussitôt, un coup de mer nous jeta sur le côté, et, courant par-dessus nous, balaya tout le pont de l’avant à l’arrière.

L’extrême furie du coup de vent fit, en grande partie, le salut du navire. Quoiqu’il fût absolument engagé dans l’eau, comme ses mâts s’en étaient allés par-dessus bord, il se releva lentement une minute après, et, vacillant quelques instants sous l’immense pression de la tempête, finalement il se redressa.

Par quel miracle échappai-je à la mort, il m’est im-