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Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/313

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la lumière effarée des fanaux, j’éprouve quelque chose que je n’ai jamais éprouvé jusqu’à présent, quoique toute ma vie j’aie eu la folie des antiquités, et que je me sois baigné dans l’ombre des colonnes ruinées de Balbek, de Tadmor et de Persépolis, tant qu’à la fin mon âme elle-même est devenue une ruine.

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Quand je regarde autour de moi, je suis honteux de mes premières terreurs. Si la tempête qui nous a poursuivis jusqu’à présent me fait trembler, ne devrais-je pas être frappé d’horreur devant cette bataille du vent et de l’Océan, dont les mots vulgaires : tourbillon et simoun, ne peuvent pas donner la moindre idée ? Le navire est littéralement enfermé dans les ténèbres d’une éternelle nuit et dans un chaos d’eau qui n’écume plus ; mais à une distance d’une lieue environ de chaque côté, nous pouvons apercevoir, indistinctement et par intervalles, de prodigieux remparts de glace qui montent vers le ciel désolé et ressemblent aux murailles de l’univers !

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Comme je l’avais pensé, le navire est évidemment dans un courant, — si l’on peut proprement appeler ainsi une marée qui va mugissant et hurlant à travers les blancheurs de la glace, et fait entendre du côté du sud un tonnerre plus précipité que celui d’une cataracte tombant à pic.

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