Aller au contenu

Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

     Sur lui-même, exactement au même point !
Et beaucoup de Folie, et encore plus de Péché
     Et d’Horreur font l’âme de l’intrigue !

Mais voyez à travers la cohue des mimes,
     Une forme rampante fait sont entrée !
Une chose rouge de sang qui vient en se tordant
     De la partie solitaire de la scène !
Elle se tord ! elle se tord ! — Avec des angoisses mortelles
     Les mimes deviennent sa pâture,
Et les séraphins sanglotent en voyant les dents du ver
     Mâcher des caillots de sang humain.

Toutes les lumières s’éteignent, — toutes, toutes !
     Et sur chaque forme frissonnante,
Le rideau, vaste drap mortuaire,
     Descend avec la violence d’une tempête,
— Et les anges, tous pâles et blêmes,
     Se levant et se dévoilant, affirment
Que ce drame est une tragédie qui s’appelle l’Homme,
     Et dont le héros est le ver conquérant.


— Ô Dieu ! cria presque Ligeia, se dressant sur ses pieds et étendant ses bras vers le ciel dans un mouvement spasmodique, comme je finissais de réciter ces vers, ô Dieu ! ô Père céleste ! — ces choses s’accompliront-elles irrémissiblement ? — Ce conquérant ne sera-t-il jamais vaincu ? — Ne sommes-nous pas une partie et une parcelle de Toi ! Qui donc connaît les mystères de la volonté ainsi que sa vigueur ? L’homme ne cède aux anges et ne se rend entièrement à la mort que par l’infirmité de sa pauvre volonté.

Et alors, comme épuisée par l’émotion, elle laissa retomber ses bras blancs, et retourna solennellement