Aller au contenu

Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/445

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le temps elles cessèrent tout à fait. On entendit la veuve de l’infortuné comte Berlifitzing exprimer le vœu « que le baron fût au logis quand il désirerait n’y pas être, puisqu’il dédaignait la compagnie de ses égaux ; et qu’il fût à cheval quand il voudrait n’y pas être, puisqu’il leur préférait la société d’un cheval. » Ceci à coup sûr n’était que l’explosion niaise d’une pique héréditaire et prouvait que nos paroles deviennent singulièrement absurdes quand nous voulons leur donner une forme extraordinairement énergique.

Les gens charitables, néanmoins, attribuaient le changement de manières du jeune gentilhomme au chagrin naturel d’un fils privé prématurément de ses parents, — oubliant toutefois son atroce et insouciante conduite durant les jours qui suivirent immédiatement cette perte. Il y en eut quelques-uns qui accusèrent simplement en lui une idée exagérée de son importance et de sa dignité. D’autres, à leur tour (et parmi ceux-là peut être cité le médecin de la famille), parlèrent sans hésiter d’une mélancolie morbide et d’un mal héréditaire ; cependant, des insinuations plus ténébreuses, d’une nature plus équivoque, couraient parmi la multitude.

En réalité, l’attachement pervers du baron pour sa monture de récente acquisition, — attachement qui semblait prendre une nouvelle force dans chaque nouvel exemple que l’animal donnait de ses féroces et démoniaques inclinations, — devint à la longue, aux yeux de tous les gens raisonnables, une tendresse hor-