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Le Joueur d’échecs de Maelzel.

opérations sans aucune intervention humaine immédiate. Les calculs arithmétiques ou algébriques sont, par leur nature même, fixes et déterminés. Certaines données étant acceptées, certains résultats s’ensuivent nécessairement et inévitablement. Ces résultats ne dépendent de rien et ne subissent l’influence de rien que des données primitivement acceptées. Et la question à résoudre marche, ou devrait marcher, vers la solution finale, par une série de points infaillibles qui ne sont passibles d’aucun changement et ne sont soumis à aucune modification. Ceci étant adopté, nous pouvons, sans difficulté, concevoir la possibilité de construire une pièce mécanique qui, prenant son point de départ dans les données de la question à résoudre, continuera ses mouvements régulièrement, progressivement, sans déviation aucune, vers la solution demandée, puisque ces mouvements, quelque complexes qu’on les suppose, n’ont jamais pu être conçus que finis et déterminés. Mais, dans le cas du Joueur d’échecs, il y a une immense différence. Ici, il n’y a pas de marche déterminée. Aucun coup, dans le jeu des échecs, ne résulte nécessairement d’un autre coup quelconque. D’aucune disposition particulière des pièces, à un point quelconque de la partie, nous ne pouvons déduire leur disposition future à un autre point quelconque. Supposons le premier coup d’une partie d’échecs mis en regard des données d’un problème algébrique, et nous saisirons immédiatement l’énorme différence qui les distingue. Dans le cas des données algébriques, le second pas de la question, qui en dépend absolument, en résulte inévitablement. Il est créé par la donnée. Il faut qu’il soit ce qu’il est et non pas un autre. Mais le premier coup dans une partie d’échecs n’est pas nécessairement suivi d’un second coup déterminé. Pendant que le problème algébrique marche vers la solution, la certitude des opérations reste entièrement intacte. Le second pas n’étant que la conséquence des données, le troisième est également une conséquence du second, le quatrième