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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/125

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pas très haute la valeur de la flotte russe dans une guerre contre l’Allemagne. Mais ils voyaient un grand intérêt à ne pas offenser la Russie par un refus. Nous consentîmes donc à laisser les autorités navales anglaises et russes entrer en communication. Je ne me suis jamais par la suite renseigné auprès de l’Amirauté, mais j’imagine que le résultat pratique de ces consultations ne fut pas très grand… Quel était le motif du gouvernement français en nous adressant cette requête ? Les conversations russo-britanniques étaient une précaution pour le cas d’une guerre avec l’Allemagne. Cela est bien entendu. Le gouvernement français pressait-il les choses parce qu’il croyait une guerre avec l’Allemagne imminente ou parce qu’il avait lui-même en vue une agression ? Il n’y avait pas le moindre signe ni la moindre apparence qu’il y eût rien de semblable dans son esprit. Je me sentis certain, à cette époque, qu’il n’avait aucune pensée d’agression ; j’en suis toujours aussi sûr qu’alors. L’idée de la revanche, de la reprise de l’Alsace et de la Lorraine, quoique n’étant pas publiquement désavouée, avait été tacitement abandonnée. »

Telles étaient les impressions que sir Ed. Grey avait recueillies en France au mois d’avril 1914. Elles étaient celles de tout spectateur impartial et correspondaient fidèlement à la réalité. Si j’empruntais au beau livre du vicomte de Fallodon quelques autres citations sur le charme de l’avril français et sur les arbres des avenues parisiennes, on verrait que l’ancien secrétaire d’État britannique a accompli son voyage avec des idées de philosophe et des sentiments de poète, beaucoup plutôt certes qu’avec des volontés impérialistes.



1. Voir traduction française, librairie Plon, p. 350 et suiv.
2. C’était une époque où il y avait encore des arbres vivants dans les avenues de Paris.
3. Aujourd’hui supprimée.
4. Twenty five years, by Viscount GREY OF FALLODON, t. I p. 280 et suiv. — Mémoires d’Edward Grey, vicomte de Fallodon, traduits de l’anglais par M. d’Honfroi, Payot, éditeur.
5. Je donne ici une traduction directe, que j’avais faite avant la publication de celle de M. d’Honfroi.