Aller au contenu

Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chevaux noirs, attelés à la daumont, et aux postillons qui les montent, que s’adressent ces saluts et ces acclamations ?

Christian X est un homme élancé, maigre et sec, dont aujourd’hui la haute taille est encore grandie par un bonnet à poil d’officier de la garde danoise. Il comprend fort bien le français et le parle assez correctement ; il ponctue volontiers sa conversation de remarques familières et de joyeux éclats de rire. Il a, en ce moment, un ministère qui, par absence de rancune et par crainte d’un voisin puissant, est tout à fait germanophile ; mais lui-même, il fait profession d’aimer notre pays plus que tout autre. Il séjourne volontiers en France et c’est sur la Côte d’Azur qu’il a rencontré pour la première fois celle qui est devenue la reine Alexandrine. Elle est fille de la grande-duchesse Anastasie de Mecklembourg, notre aimable voisine d’Eze, qui est, du reste, arrivée à Paris hier pour s’y trouver en même temps que ses enfants. Une autre fille de la grande-duchesse a épousé le Kronprinz impérial d’Allemagne. La Reine est une femme simple et avenante, qui paraît supporter avec quelque impatience la servitude des grandeurs et qui voudrait se promener librement dans les rues de Paris, visiter à loisir les magasins et passer les soirées dans les théâtres.

Le Roi me remet la décoration de l’Éléphant blanc, vieil ordre de chevalerie que Christian V a réorganisé en 1693 et dont les insignes se composent d’une plaque rayonnante avec croix blanche sur médaillon rouge et d’un charmant petit proboscidien tout émaillé, monté par son cornac et suspendu à un cordon couleur d’azur. Me voilà autorisé, me dit-on, à porter, les jours