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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/13

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Il s’en fallut de peu qu’à tous ces projets de voyages maritimes ne s’en ajoutât un plus vaste encore et plus inattendu. L’excellent ambassadeur des États-Unis, M. Myron T. Herrick, qui, dès cette époque, me témoignait une vive amitié, avait conçu le rêve de voir un chef d’État français mettre le cap sur l’Amérique. Il aurait voulu que je rendisse visite au nouveau Président des États-Unis, Mr Woodrow Wilson, dont il se plaisait à me vanter les mérites intellectuels, mais que je me représentais à distance comme un personnage assez énigmatique. L’ambassadeur avait, d’abord, entretenu de son idée mon cousin germain mÉile Boutroux, à qui son beau livre sur William James avait valu en Amérique une élite d’admirateurs, et comme Boutroux avait favorablement accueilli ces ouvertures, Mr Herrick m’avait entrepris moi-même avec une cordiale impétuosité. J’avais objecté la longueur de la double traversée, mais il n’avait pas pris son parti de cette réponse. Le 30 janvier, M. d’Estournelles de Constant, sénateur de la Sarthe, qui dépensait le meilleur de son activité à rapprocher les nations des deux mondes, m’apportait une lettre que lui avait écrite un sincère ami de la France, Mr Nicholas Murray Butler, président de l’Université de Columbia. Mr Butler préparait, disait-il, pour le mois de novembre suivant une réunion solennelle de l’Académie américaine des arts et des lettres et il souhaitait vivement que l’Académie française pût être représentée à cette cérémonie. Comme le Président Woodrow Wilson était membre de l’Académie américaine, Mr Butler indiquait à M. d’Estournelles que, si je venais moi-même aux États-Unis en qualité d’académicien, ce serait le moyen de rappeler à l’opinion