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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/9

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même de vouloir avancer le voyage, pour se fortifier, au moment des prochaines élections générales, par une démonstration franco-russe. Mais, bien entendu, ni M. Doumergue, ni moi, nous ne pouvions rien décider que d’accord avec le gouvernement de Saint-Pétersbourg, dont il nous fallait, avant tout, prendre les convenances.

J’ai montré dans les volumes précédents que, depuis la conclusion de l’alliance franco-russe, aucun gouvernement français, modéré ou radical-socialiste, n’avait admis l’idée, je ne dis même pas de la dissoudre, mais de la relâcher. Dans son charmant livre le Diplomate, M. Jules Cambon plaisante agréablement les hommes politiques qui, depuis la guerre, ont accablé de critiques rétrospectives les vieilles ententes internationales. « Je ne sais pas pourquoi, dit-il, cette expression « l’équilibre européen » n’est plus en faveur ; je crains que ce ne soit parce qu’on ne comprend plus sa haute portée ; mais, si le mot n’est plus à la mode, la nécessité d’un équilibre entre les nations n’en subsiste pas moins. » En fait, les deux principaux groupements européens qui existaient avant 1914 ont longtemps réussi à défendre la paix contre de graves et fréquentes menaces, précisément parce qu’ils se faisaient équilibre et que l’égalité approximative des forces leur donnait, en permanence, la crainte salutaire d’un conflit. On ne concevait pas encore très clairement d’organisation plus générale et plus parfaite et les hommes qui, à l’exemple de M. Léon Bourgeois, prononçaient déjà les mots de Société des nations, étaient eux-mêmes les premiers à considérer que, pour la sécurité de la France et pour la paix de l’Europe, notre alliance avec la Russie et notre entente avec