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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/46

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ce renseignement au Conseil du mardi 2 février et Millerand répond qu’en effet, pendant son voyage en Angleterre, il a essayé de démontrer à Grey, à Kitchener et à Winston Churchill l’impossibilité  de distraire des troupes de notre front. Ribot, Briand et moi, nous déclarons, au contraire, que la présence de soldats français et anglais en Orient pourrait avoir d’heureuses conséquences morales et diplomatiques. M. Bark, ministre des Finances de Russie, que je reçois le même jour, me confirme que, d’après Lloyd George, Asquith et Grey jugent nécessaire l’envoi d’un ou deux corps alliés en Serbie, pour déterminer l’action roumaine et, tout au moins, immobiliser la Bulgarie. M. Bark envisage même une expédition où figurerait l’armée russe. C’est un gros homme souriant, encore jeune, qui parle fort bien le français et qui paraît être, en finances, un spécialiste distingué. Je l’interroge sur la question des fusils et des munitions. Il n’en connaît pas un mot. Jamais le ministre de la Guerre russe n’a donné à ses collègues, sur l’état des armements, des détails qui fussent de nature à les inquiéter. Jamais il ne leur a dit que le grand-duc Nicolas et l’état-major nous pressaient impatiemment de leur envoyer des armes. M. Bark a été seulement chargé de nous demander, à l’Angleterre et à nous, un concours financier. Je lui rappelle que ni le texte ni l’esprit de l’alliance ne nous ont permis de prévoir, soit que la Russie nous prierait un jour de substituer notre crédit au sien, soit qu’elle nous adjurerait de mettre notre matériel militaire à sa disposition. Nous voulons bien faire ce qui dépendra de nous. Mais encore faut-il qu’on nous donne, sur les approvisionnements et les fabrications russes, les renseignements que nous avons ré-