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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/57

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caré, en revenant de Colmar à Sampigny. Il est aujourd’hui transformé en caserne. Dans toutes les pièces du rez-de-chaussée, dans la grande salle à manger où nous avions alors dîné, et où tant de jolies femmes étalaient d’élégantes toilettes, des matelas et de la paille sont étendus sur le plancher. Où est le temps où Guillaume II lui-même venait coucher tantôt dans cet hôtel, tantôt tout près d’ici, dans la maison de M. Hartmann, pour se rapprocher de notre frontière et se donner l’orgueilleux plaisir de mettre un pied sur notre sol ? Ce sont maintenant nos soldats qui foulent cette terre française, devenue allemande contre la volonté de ses habitants ; et ils s’y sentent chez eux.

De la terrasse de l’hôtel, quand le temps est clair, on découvre dans le lointain Munster, niché dans la jolie vallée de la Fecht. Mais la brume, qui se déchire par moments, ne nous laisse apercevoir que la lueur et la fumée de quelques obus qui éclatent devant nous. Le roulement du canon se répercute dans les montagnes et s’y prolonge comme un grondement de tonnerre. A la tombée du jour, notre petit train nous ramène à Gérardmer et la fanfare du 11e salue notre départ pour Épinal.

Dîner à la Préfecture, où j’ai invité, avec le préfet et sa femme, le gouverneur, quelques officiers d’état-major et un de mes cousins germains, le colonel Edmond Lombard, qui commande l’artillerie dans un secteur de la place. Dans la matinée du jeudi, nous visitons les ouvrages avancés du camp retranché et plusieurs ambulances remplies de blessés, qui conservent un moral excellent. Nous reprenons ensuite le général Pütz à son quartier général de Remiremont et nous partons avec lui pour Bussang, où d’autres ambulances, établies près des sources, me retiennent au passage. De