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Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 6, 1930.djvu/63

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magnifique bouquet. « Ne le remerciez pas trop, me dit un membre de la municipalité, c’est le fils d’un fonctionnaire allemand qui a émigré. » Ce simple détail me laisse deviner, dans cette population qui paraît si unie, les divisions profondes que l’annexion a introduites en Alsace. Nous entrons à la mairie, somptueusement installée, comme les écoles, par les Allemands, mais au prix d’impositions communales dont l’adjoint, qui fait fonctions de maire, me dénonce l’énormité. J’échange avec les notables quelques paroles émues et, sur les indications du général Pütz, je remets la croix de la Légion d’honneur à la sœur supérieure de l’hôpital de Thann, momentanément évacuée à cause du bombardement. Ici encore, je laisse quelques milliers de francs aux pauvres de la vallée de la Doller et je prie le curé de Masevaux d’en vouloir bien assurer la distribution. Nous poussons jusqu’à Niederbrück, où je décore un industriel qui porte la médaille de 1870 et qui, tout en sanglotant, dit à sa femme : « Je puis mourir, maintenant, puisque la France est revenue. » Nous rentrons à Belfort en pleine nuit et repartons pour Paris, chargés d’une gerbe de souvenirs qui jamais ne se faneront.

De retour à l’Élysée le samedi matin 13 février, j’y préside immédiatement un Conseil des ministres. Delcassé, qui revient d’Angleterre, nous expose, et je ne sais pourquoi, avec une élocution assez pénible, les résultats de son voyage. Il s’est mis d’accord avec le gouvernement britannique pour l’envoi en Serbie d’un corps expéditionnaire franco-anglo-russe. Mais ce serait à la Grèce et non à la Roumanie que la proposition serait faite. Dans une note du 26 janvier, remise par M. Romanos à Delcassé, Venizelos avait, en effet, de-