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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/116

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RAYMOND POINCARÉ

verra que, si la France est résolue, ce n’est pas elle qui prend des mesures d’agression. Faites attirer l’attention de sir Ed. Grey sur la décision prise par le Conseil des ministres de ce matin. Bien que l’Allemagne ait pris ses dispositifs de couverture à quelques centaines de mètres de la frontière, sur tout le front du Luxembourg aux Vosges, et porte ses troupes sur leurs positions de combat, nous avons retenu nos troupes à dix kilomètres de la frontière en leur interdisant de s’en approcher davantage. Notre plan, conçu dans un esprit d’offensive, prévoyait pourtant que les positions de combat de nos troupes de couverture seraient aussi rapprochées que possible de la frontière. En livrant ainsi une bande de territoire sans défense à l’agression soudaine de l’ennemi, le gouvernement de la République tient à prouver que la France, pas plus que la Russie, n’a la responsabilité de l’attaque.

Dans sa Réponse au Kaiser, M. Viviani a écrit : Ainsi, je suis amené à parler des préparatifs de la France. On vient de voir qu’ils suivaient ceux de l’Allemagne, qu’ils ne les précédaient jamais, qu’ils étaient seulement une réponse légitime. Et, cependant, nous savions que nous avions une armée moins nombreuse. M. Viviani revendique, comme M. Messimy, l’honneur d’avoir proposé au Conseil, après s’être mis d’accord avec le généralissime, l’arrêt des troupes à dix kilomètres de la frontière. Gardien fidèle de mon irresponsabilité constitutionnelle, il a eu la délicatesse de ne pas indiquer dans son livre, qu’avant de faire, avec M. Messimy, sa proposition au Conseil, il était venu m’en référer dans mon cabinet. Mais je ne suis pas tenu aux mêmes scrupules et je puis bien dire qu’après avoir pesé, avec les deux ministres et avec le général Joffre, les avantages et les inconvénients de la mesure envisagée, j’y avais donné mon plein assentiment.

Dans la soirée et dans la nuit, nous arrivent de Vienne des télégrammes de M. Dumaine, qui donnent à penser que des conversations directes ont repris, malgré tout, entre l’Autriche et la Russie. M. Schebeko a été chargé par M. Sazonoff de dire au comte Berchtold que les préparatifs russes n’avaient d’autre but que de répondre à ceux de l’Autriche et d’indiquer l’intention et le droit du Tsar d’émettre son avis dans le règlement de la question serbe. À quoi le comte Berchtold a répondu que les mesures de mobilisation prises en Galicie n’impliquent non plus aucune intention agressive et visent seulement à maintenir la situation sur le même pied. Il a été convenu que, de part et d’autre, on tâcherait que ces mesures ne fussent pas interprétées comme des marques d’hostilité. Pour le règlement du conflit austro-serbe, on a décidé que les pourparlers allaient être repris à Pétersbourg entre M. Sazonoff et le comte Szapary. Il semble donc que les choses commencent à s’arranger entre l’Autriche et la Russie, au moment où elles risquent de se brouiller entre la Russie et l’Allemagne. Et c’est l’Allemagne qui est responsable de ce paradoxe. M. Dumaine écrit, en effet : L’entretien avec le