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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/128

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RAYMOND POINCARÉ

huit heures. Télégraphier aussitôt heure de la question posée. La plus grande hâte s’impose.

La suite était chiffrée dans une cryptographie beaucoup plus compliquée et la traduction qu’en a faite ultérieurement notre service du chiffre est restée incomplète, mais, telle quelle, elle est indiscutable et aujourd’hui confirmée : Secret. Si… le gouvernement français déclare rester neutre, V. E. voudra bien (lui déclarer) que nous devons, comme (garantie) de la neutralité, exiger remise des forteresses et Toul et de Verdun que nous occuperons et restituerons après (achèvement) de la guerre avec la Russie. Réponse à cette dernière question (doit) être ici avant demain (après-midi) quatre heures. Signé : Bethmann-Hollweg.

Telle eût été la récompense ou la rançon de notre neutralité, si nous avions consenti à rompre avec nos alliés ! Et, sans doute, après ce commencement, nous aurions connu d’autres humiliations. Nous aurions dû laisser l’Allemagne occuper nos deux plus importantes forteresses de l’Est et, lorsqu’elle aurait eu raison de la Russie, elle nous aurait aisément tenus à sa merci. Mais, après la visite de M. de Schœn, M. Viviani ne pouvait deviner ce que l’ambassadeur n’avait pas osé lui dire.

Il se refusait, du reste, à croire qu’on avait décrété en Russie la mobilisation générale et sa surprise était, encore si grande, qu’aussitôt après le départ de M. de Schœn il faisait écrire par M. de Margerie, et s’empressait de signer le télégramme suivant, à l’adresse de M. Paléologue : Le gouvernement allemand, prétendant que le gouvernement russe a ordonné la mobilisation totale de ses forces de terre et de mer, a décidé à midi de prendre toutes les dispositions militaires que comporte l’état dit de menace de guerre. En me communiquant cette décision ce soir à sept heures, le baron de Schœn a ajouté que le gouvernement allemand exigerait, en même temps, que la Russie démobilisât. Si le gouvernement russe n’a pas donné une réponse satisfaisante dans un délai de douze heures, l’Allemagne mobilisera à son tour. J’ai répondu à l’ambassadeur d’Allemagne que je n’étais nullement renseigné sur une prétendue mobilisation totale de l’armée et de la flotte russes que le gouvernement allemand invoquait comme raison des nouvelles mesures militaires qu’il prend dès aujourd’hui. Le baron de Schœn m’a demandé en terminant, au nom de son gouvernement, quelle serait, en cas de conflit entre l’Allemagne et la Russie, l’attitude de la France ; je ne lui ai pas répondu. Il m’a dit qu’il viendrait prendre ma réponse demain samedi à une heure ; Je n’ai pas l’intention de lui faire une déclaration à ce sujet et je me bornerai à lui dire que la France s’inspirera de ses intérêts. Le gouvernement de la République ne doit, en effet, compte de ses intentions qu’à son alliée. Je vous prie de porter immédiatement ce qui précède à la connaissance de M. Sazonoff et de me renseigner d’urgence sur la réalité d’une prétendue mobilisation générale en Russie. Ainsi que je vous l’ai déjà fait connaître, je ne doute pas que le