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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/144

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RAYMOND POINCARÉ

ser : J’ai reçu ton télégramme. Je comprends que tu sois forcé de mobiliser, mais je voudrais obtenir de toi la même garantie que celle que je t’ai donnée, à savoir que ces mesures ne signifient pas la guerre et que nous continuerons à négocier pour le salut de nos deux pays et de la paix générale, qui est si chère à notre cœur. Notre amitié de longue date réussira, avec l’aide de Dieu, à empêcher l’effusion du sang. Plein de confiance, j’attends d’urgence ta réponse. Nicolas II.

Au même moment, M. Sazonoff reçoit la visite de l’ambassadeur d’Autriche, qui lui dit : « Mon gouvernement accepte de discuter avec les Puissances le fond de l’ultimatum que nous avons adressé à la Serbie. » Si tardive que soit cette proposition, M. Sazonoff l’accepte avec un joyeux empressement et il exprime le désir que le gouvernement anglais se charge de diriger les négociations. Il demande toutefois que l’Autriche arrête ses opérations en Serbie et c’est malheureusement ce à quoi ne consent pas l’Autriche. Le ministre russe des Affaires étrangères informe son ambassadeur à Berlin de cette démarche et de sa réponse.

M. Jules Cambon, renseigné par son collègue, nous télégraphie que ces conversations sont forcément inopérantes après l’ultimatum de l’Allemagne. On peut même, dit-il, se demander si, dans de telles conditions, l’acceptation de l’Autriche était sérieuse ou si, au contraire, elle n’avait pas pour objet de faire peser sur la Russie la responsabilité du conflit. L’ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin a fait, dans la nuit, un pressant appel aux sentiments d’humanité de M. de Jagow. Le secrétaire d’État allemand a répondu que la question était trop engagée et qu’il fallait maintenant attendre la réponse russe à l’ultimatum allemand. M. de Jagow a précisé, devant sir E. Goschen, que cet ultimatum exigeait le retrait de la mobilisation russe, non seulement du côté de l’Allemagne, mais encore du côté de l’Autriche. Sir E. Goschen s’en est vivement étonné et a déclaré que ce point semblait inacceptable pour la Russie. M. Jules Cambon estime que l’ultimatum de l’Allemagne, intervenant à l’heure précise où l’accord semble sur le point de s’établir entre Vienne et Saint-Pétersbourg, est la démonstration de sa politique belliqueuse.

Et voici qui n’est pas moins troublant. Pendant que M. Viviani confirme à sir Francis Bertie la promesse que nous avons spontanément faite à la Belgique de respecter sa neutralité, M. de Jagow, interrogé par sir E. Goschen, sur le même sujet, répond évasivement : « Je prendrai les ordres de l’Empereur et du chancelier, mais je doute que nous soyons en mesure de donner une réponse, car l’Allemagne ne peut ainsi découvrir ses projets militaires. »

Cette manière de biaiser ne satisfait naturellement pas l’Angleterre. Sir Ed. Grey saisit le cabinet britannique et demande à ses collègues l’autorisation de dire lundi à la Chambre des communes que le gouver-