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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/147

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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

sauf M. Cuyba, qui n’a pas été touché par la convocation. Je mets le Conseil au courant de la démarche de M. Isvolsky. Il approuve unanimement la réponse que j’ai faite à l’ambassadeur et charge M. Viviani de la lui confirmer. M. Isvolsky est resté dans le salon des officiers. M. Viviani va l’y trouver. Il lui répète que la France tiendra ses engagements, mais que mieux vaut ne rien décider avant quelques jours. M. Isvolsky préférerait une déclaration immédiate et publique. Mais il finit par se contenter de notre réponse et s’en va, la mine lugubre.

Le Conseil continue sa séance et examine, avec un calme impressionnant, toutes les mesures de sécurité militaire, d’ordre public, de, précautions financières, qu’exigent les circonstances. Dans la nuit, arrivent, avec quelque désordre, des télégrammes de Saint-Pétersbourg.

No 332, 1er août 1914, 20 h. 30, reçu à 23 heures. Le roi George V vient de télégraphier à l’empereur Nicolas pour adresser un suprême appel à ses sentiments pacifiques. Mon collègue d’Angleterre, qui est chargé de remettre ce télégramme, a demandé aussitôt une audience au Tsar. Il sera probablement reçu cette nuit à Peterhof. M. Sazonoff, sir G. Buchanan et moi, nous venons de conférer sur la réponse que comporte l’appel de S. M. Britannique. J’ai insisté pour que l’empereur Nicolas réitère, en les accentuant au besoin, les déclarations du télégramme personnel qu’il a envoyé hier à l’empereur Guillaume et pour qu’il prie le roi George de confirmer, sinon même de garantir, à l’empereur d’Allemagne la sincérité de ces assurances. J’ai notamment fait ressortir que la réponse du Tsar ne doit laisser aucun doute sur sa volonté de sauver encore la paix ; car cette réponse décidera peut-être si l’Angleterre prendra ou non parti contre l’Allemagne. Signé : Paléologue.

No 334, 1er août 1914, 17 heures, reçu le 2 à 4 h. 38 matin. Malgré la déclaration de guerre, l’empereur Nicolas a mandé mon collègue d’Angleterre cette nuit à Peterhof. Je crois savoir qu’il répondra à l’appel du roi George dans le sens indiqué par mon télégramme 332.

Cette fois encore, le télégraphe a mis bien du temps à transmettre ce message, et, en outre, le no 334 nous arrive avant le no 333.

No 333, Pétersbourg, 2 août 1914, 0 h. 19, reçu à 14 heures. L’ambassadeur d’Allemagne vient de remettre à M. Sazonoff une déclaration de guerre.

Pour le moment, nous ne connaissons que le fait brutal. C’est seulement beaucoup plus tard que nous saurons comment il s’est produit. Le chancelier Bethmann-Hollweg, le général de Falkenhayn, ministre de la Guerre, le général de Moltke, l’amiral de Tirpitz avaient assez âprement discuté entre eux cette question : Fallait-il déclarer immédiatement la guerre à la Russie, ou s’en tenir d’abord à la mobilisation générale, ou pénétrer en territoire russe, sans déclaration préalable ? On s’était finalement décidé pour la déclaration de guerre. M. de Pourta-