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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/156

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raymond poincaré

Hymans, ministres d’État. Ces trois commissaires se rendent au ministère des Affaires étrangères pour y faire leur travail à tête reposée et y trouvent un avant-projet élaboré par M. de Gaiffier. À l’aide de ce schéma, où sont déjà indiquées les idées essentielles, ils se mettent à l’œuvre, en présence de MM. de Broqueville et Davignon, et rédigent en collaboration la note d’une sobre et mâle éloquence qui doit exprimer la pensée de la Belgique. À peine ont-ils terminé que M. de Below-Saleske reparaît au ministère et, reçu par le baron Van der Elst, déclare être chargé par son gouvernement d’annoncer au gouvernement belge que la France vient encore de violer la frontière de l’Empire et de faire jeter des bombes en Allemagne par des dirigeables. Le baron Van der Elst n’est pas dupe de ces nouvelles calomnies et il éconduit froidement son visiteur nocturne. Il est deux heures du matin. De nouveau, le Conseil de la Couronne se réunit au Palais royal. M. Carton de Wiart donne lecture du texte qui vient d’être rédigé et qui, après avoir marqué le profond et douloureux étonnement causé au gouvernement du Roi par la note allemande, continue en ces termes : Les intentions qu’elle (la note allemande) attribue à la France sont en contradiction avec les déclarations formelles qui nous ont été faites le 1er août, au nom du gouvernement de la République. D’ailleurs, si, contrairement à notre attente, une violation de la neutralité belge venait à être commise par la France, la Belgique remplirait tous ses devoirs internationaux et son armée opposerait à l’envahisseur la plus vigoureuse résistance… La Belgique a toujours été fidèle à ses obligations internationales ; elle a accompli ses devoirs dans un esprit de loyale impartialité ; elle n’a négligé aucun effort pour maintenir ou faire respecter sa neutralité. L’atteinte à son indépendance dont la menace le gouvernement allemand constituerait une flagrante violation du droit des gens. Aucun intérêt stratégique ne justifie la violation du droit. Le gouvernement belge, en acceptant les propositions qui lui sont notifiées, sacrifierait l’honneur de la nation, en même temps qu’il trahirait ses devoirs vis-à-vis de l’Europe. Conscient du rôle que la Belgique joue depuis plus de quatre-vingts ans dans la civilisation du monde, il se refuse à croire que l’indépendance de la Belgique ne puisse être conservée qu’au prix de la violation de sa neutralité. Si cet espoir était déçu, le gouvernement belge est fermement décidé à repousser, par tous les moyens en son pouvoir, toute atteinte à son droit. Aucune observation n’est présentée. Le Roi, qui a, dès la première heure, donné l’exemple du sang-froid et de la fermeté, met aux voix l’approbation de la note. Il constate l’unanimité et remercie ses conseillers. C’est fini. La Belgique a préféré le martyre à la honte.

En présence de l’inqualifiable attentat commis contre elle, nous offrons au gouvernement royal de lui prêter l’appui de nos forces, non pas maintenant, mais plus tard, lorsqu’elles seront mobilisées et concentrées. Il