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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/21

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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914.

l’Autriche, et, à plus forte raison, en la pressant d’agir, il risquait de provoquer des complications générales. Il le savait même si bien qu’avant de s’embarquer pour la mer du Nord il avait jugé bon de se concerter avec les États-majors de l’armée et de la marine. Admettons que le chevalier von dem Bussche se soit trompé lorsque, dans une note rédigée le 30 août 1917, pendant son passage au ministère, il a parlé d’une délibération aboutissant à des préparatifs de guerre. Il est sûr, du moins, que l’Empereur a reçu, le 6 juillet, le général Falkenhayn, ministre de la Guerre, le général von Bertrab, représentant l’État-major général de l’armée, l’amiral von Capelle, chargé de l’intérim du secrétariat d’État de la Marine, le capitaine de vaisseau Zenker, chef de la section de tactique à l’État-major de la Marine. C’est ce qui résulte clairement de l’enquête que la chancellerie a ouverte, en octobre 1919, sur les faits révélés dans la note de Bussche.

Au même moment, que se passa-t-il à Paris ? Le lundi 7 juillet, j’offre un dîner aux nouveaux bureaux des Chambres et il n’y a là ni un sénateur, ni un député qui songe à la guerre. Le mercredi 8, j’inaugure à l’École polytechnique un monument commémoratif de 1814. Le jeudi 9, je m’éloigne davantage encore des idées qui règnent à Berlin. Nous nous échappons de Paris en automobile pour aller déjeuner au Prieuré, chez M. et Mme Maurice Donnay, avec M. et Mme Marcel Prévost. Pendant quelques heures de loisirs, nous causons librement parmi les arbres et les fleurs et, auprès de nos amis, j’oublie vite les lourdes chaînes de mes prisons.

Les nouvelles qui nous arrivent d’Autriche ne nous découvrent, d’ailleurs, rien d’une vérité qui se cache et sont, au contraire, assez rassurantes.

Dans un télégramme du 8 juillet, M. Dumaine, d’accord avec son collègue russe, exprime l’opinion que le parti militaire autrichien ne réussira pas à faire imposer à la Serbie une enquête sur le crime de Bosna Serai et que l’influence du vieil Empereur écartera tout projet de démarche comminatoire.

Ni M. Dumaine, ni aucun de nous, ne savait encore que, le 7 juillet, au retour du comte Hoyos, venait de se tenir à Vienne un Conseil des ministres sur lequel le Livre rouge autrichien de 1919 nous a lui-même renseignés. Le comte Berchtold y avait exposé qu’il était temps de mettre à tout jamais la Serbie hors d’état de nuire. Il avait ajouté que le gouvernement impérial allemand avait promis sans réserve d’appuyer l’Autriche dans un conflit avec ce pays. Il n’avait pas caché qu’une guerre avec la Serbie pourrait avoir pour conséquence une autre guerre avec la Russie. Le procès-verbal rédigé par le comte Hoyos portait d’abord :