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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/54

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RAYMOND POINCARÉ

sation de complots contre l’autorité impériale. Il affirme que les bombes lancées à Serajevo contre l’archiduc François-Ferdinand ont été remises aux auteurs du meurtre par un dépôt militaire serbe ; il demande qu’un officier et un sous-officier soient immédiatement frappés, que le gouvernement serbe désavoue par une note officielle l’action révolutionnaire de ses agents et qu’il consente à une enquête qui serait faite, sur territoire serbe, à la fois par des fonctionnaires serbes et des fonctionnaires austro-hongrois. M. Viviani, M. de Margerie et moi, nous nous entretenons de cette grave initiative autrichienne, si longtemps retardée et si brusquement suivie d’exécution. Il nous semblera tous trois qu’il y a dans les conditions posées par l’Autriche toute une partie qui va être très difficilement acceptable pour la Serbie et qui constitue presque une violation du droit des gens. Mais nous ne voulons pas pousser la Serbie à une résistance qui pourrait amener de graves complications. M. Viviani télégraphie donc à Pétersbourg et, par Pétersbourg, à Paris et à Londres qu’il est d’avis : 1o que la Serbie offre immédiatement toutes les satisfactions compatibles avec son honneur et son indépendance ; 2o qu’elle demande la prolongation de délai de vingt-quatre heures ; 3o que nous appuyions cette dernière demande à Vienne ; 4o que la Triple-Entente recherche s’il ne serait pas possible de substituer une enquête internationale à l’enquête austro-serbe, qui risque de paraître humiliante à la Serbie.

Dans la soirée du vendredi 11/24 juillet, la brise fraîchit. Il tombe quelques gouttes de pluie et même, par instants, de forts grains. Nous rentrons dans le faisceau central et nous retardons nos montres d’une heure. L’Europe va-t-elle savoir mettre les siennes d’accord ?

Pendant que M. Viviani et moi, nous sommes en mer, l’émotion commence, sans que nous le sachions, à s’emparer du gouvernement russe.

De bonne heure, dans la matinée du 24, est arrivé de Belgrade au Pont-aux-Chantres un télégramme annonçant que la Serbie a reçu de l’Autriche un ultimatum inacceptable. En revenant de Tsarskoié-Sélo à dix heures du matin, M. Sazonoff a appris la nouvelle avec un grand trouble et a mandé l’ambassadeur d’Autriche. Celui-ci, répondant à cet appel, a remis au ministre des Affaires étrangères une copie de la note si longuement couvée, et M. Sazonoff paraît avoir été indigné du ton de l’Autriche. Un Conseil des ministres a été convoqué pour trois heures de l’après-midi. M. Sazonoff a soumis à ses collègues les propositions suivantes : 1o d’accord avec les autres Puissances, demander à l’Autriche de prolonger la période qu’elle a fixée pour la réception de la réponse serbe, et cela de manière à laisser aux Puissances le temps de se renseigner elles-mêmes, comme l’Autriche les y invite, sur l’instruction judiciaire ouverte au sujet de l’attentat ; 2o recommander à la Serbie