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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/68

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RAYMOND POINCARÉ

dans tout retard apporté au commencement des opérations militaires un grand danger d’ingérence des Puissances. On nous conseille d’agir immédiatement et de placer le monde devant le fait accompli. Je partage absolument cette manière de voir du ministère des Affaires étrangères.

Nous ignorons les télégrammes envoyés depuis le 23 par M. de Jagow et M. Zimmermann à M. de Schœn et déchiffrés plus tard au Quai d’Orsay : Berlin, 23 juillet 1914, 6 h. 23. Nous considérons le règlement du différend austro-serbe comme une affaire à limiter entre les deux intéressés, sur laquelle aucune sorte d’action ne nous est loisible et, pour cette raison, nous n’avons exercé aucune sorte d’influence sur la décision du cabinet de Vienne. Votre Excellence pourra (ou devra, mot douteux), pour la même raison aussi, ne mettre à exécution les instructions de la dépêche 18 expédiée hier soir d’ici à Paris qu’après que le texte de la note autrichienne au gouvernement serbe aura été connu par la presse. Autrement pourrait se former à Paris l’impression que cette note nous aurait été connue auparavant. Jagow. — Toujours, comme on voit, le même système de dissimulation. — Berlin, 24 juillet 1914, 10 h. 55. Dans les feuilles d’ici se répand (manière de voir)[1], que nous avons déterminé l’Autriche-Hongrie à note raide à la Serbie et que nous avons participé à sa (rédaction). Bruit paraît émaner de (mot indéchiffrable). Veuillez le combattre… là-bas. Nous n’avons (exercé) aucune influence sur (contenu) de la note et tout aussi peu qu’autres Puissances… avant… à prendre position en quelque façon que ce soit. Que nous ne puissions pas, après que l’Autriche-Hongrie s’est, de son propre (mouvement résolue) à parler raide, conseiller maintenant à Vienne de (reculer), c’est chose (compréhensible). L’Autriche-Hongrie… après… et serait (dans le cas) de (recul définitif). Zimmermann.

Nous ignorons que l’Allemagne joue ainsi avec obstination le rôle de Ponce Pilate, qu’elle a connu le projet de démarche à Belgrade et l’imminence du dépôt de la note sans recommander la modération à l’Autriche ; qu’après l’ultimatum elle a tenu à laisser l’Autriche libre en face de la Serbie ; qu’elle sait l’effet lamentable produit à Pétersbourg par les menaces de Vienne et par l’humiliation infligée à la Serbie, et qu’elle espère enfin que, si les troupes autrichiennes ne pénètrent pas sur le territoire serbe, la Russie patientera.

Nous ignorons que, contrairement à la promesse qu’il avait faite à sir Ed. Goschen, M. de Jagow a volontairement négligé de transmettre à Vienne la demande de prolongation du délai assigné à la Serbie.

Nous ignorons que le prince régent de Serbie, Alexandre, s’est adressé au Tsar pour lui demander sa protection et que l’empereur Nicolas lui a répondu avec modération : Tant qu’il existera le moindre espoir d’éviter

  1. Les mots entre parenthèses ont été donnés comme douteux par nos services de déchiffrement.