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Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/73

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comment fut déclarée la guerre de 1914

des opérations militaires tendant à l’occupation de la Serbie. — Non, remarque aussitôt M. de Schœn qui a reçu à cet égard des instructions précises, non, une telle démarche serait inconciliable avec la position prise par l’Allemagne, que la question regarde seulement l’Autriche et la Serbie. — La médiation à Vienne et à Pétersbourg, insiste M. Bienvenu-Martin, pourrait être faite par les quatre Puissances les moins intéressées dans le conflit. — Non, répète M. de Schœn, le seul point où il faille agir est Pétersbourg. — Dans ces conditions, conclut M. Bienvenu-Martin, je ne me sens pas autorisé à vous donner une réponse favorable, alors surtout que le président du Conseil est absent. Je lui en référerai. »

M. de Schœn ne veut pas tenir ce refus pour définitif et le soir même, à sept heures, il revient au ministère et se fait introduire auprès de M. Berthelot, directeur adjoint des affaires politiques. Il désire, dit-il, qu’une note soit communiquée à la presse au sujet de son entrevue avec M. Bienvenu-Martin. Il propose même à M. Berthelot le texte suivant : « L’ambassadeur d’Allemagne et le ministre des Affaires étrangères ont eu, pendant l’après-midi, un nouvel entretien, au cours duquel ils ont examiné, dans l’esprit le plus amical et dans un sentiment de solidarité pacifique, les moyens qui pourraient être employés pour maintenir la paix générale. — Par conséquent, répond M. Berthelot, vous estimez que tout est réglé et vous apportez l’assurance que l’Autriche accepte la note serbe ou bien qu’elle se prêtera, sur ce point, à des conversations avec les Puissances. — Mais non, pas du tout, s’écrie M. de Schœn. — Si rien n’est modifié dans l’attitude négative de l’Autriche, reprend M. Berthelot, les termes de la note que vous proposez sont excessifs ; ils sont de nature à donner à l’opinion française une fausse sécurité et à créer des illusions sur une situation qui ne laisse pas d’être dangereuse. » L’ambassadeur ayant protesté, sur un ton très optimiste, contre la crainte d’un péril, M. Berthelot poursuit : « Me permettez-vous de vous parler à titre personnel ? — Volontiers. — Eh bien ! voyez-vous, je ne m’explique pas la conduite de votre pays, s’il ne tend pas à la guerre. Vous avez dit et répété que l’Allemagne n’avait pas connu la note autrichienne. Soit. Nous ne pouvons que vous croire sur parole. Mais alors, comment se fait-il que l’Allemagne se soit rangée, les yeux fermés, aux côtés de l’Autriche en une pareille aventure ? Comment l’Autriche elle-même a-t-elle pris une position intransigeante, sans possibilité de recul, avant d’avoir pesé avec son alliée toutes les conséquences de sa décision ? Quelles responsabilités le gouvernement allemand n’assumerait-il pas et quelles suspicions ne laisserait-il pas peser sur lui, s’il refusait de donner à Vienne, avec les autres Puissances, un conseil qui suffirait à dissi-